Vanités aux torchons

Installation

  • Vanités aux torchons, Objets- Textiles #4 , La Manufacture des Flandres, Roubaix (59), septembre – octobre 2016
  • Linogravure, papiers & tissus, Le mois de la Gravure, Maison des Arts, Sin-le-Noble (59), janvier – février 2017

 

Un cabinet de curiosités pour des vanités aux torchons

Poursuivant mes recherches sur les traces du passage du temps et le travail sur textile (vieux draps et torchons) j’ai entamé une série de Vanités aux torchons (en tant qu’unité propre) dont la mise en scène (nature morte) se réfère aux cabinets de curiosité. Ces derniers répondaient au désir de construire une représentation du monde, du Tout, par l’accumulation d’hétéroclites éléments de la nature, merveilles, œuvres remarquables, antiques, … à l’abri d’un meuble, d’une pièce et, au plus souvent, du regard étranger. Vanité d’une folie d’accumulation ?

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L’argument

Dans l’imagerie publicitaire, la mise en scène de (corps de) femmes pour appuyer les messages d’hygiène reste d’actualité. En filigrane il s’agit toujours de réitérer l’injonction faite aux femmes, de leur responsabilité particulière dans le passage du sale au propre, du rêche au doux, du terne au brillant, de la mauvaise odeur à la bonne, … Lorsque j’évoque le souvenir de femmes nées avant 1950, qui, comme ma mère, reçurent un enseignement ménager pendant leur formation initiale, je pense immédiatement à l’objet de leur toute-puissance domestique : le torchon.

Torchon, intitulé générique de tout morceau de tissu dont les fibres doivent permettre d’exécuter une action dans le maintien de l’ordre ménager.

Même paré de couleurs, décoratif, il ne peut masquer sa fonction d’auxiliaire des basses besognes. Répertorié par usages, lavé à haute température, soumis au détergent, repassé, rapiécé, brodé, transmis en héritage, … ce banal objet raconte une histoire de l’intimité du foyer.

Dans l’entretien toujours recommencé de l’espace domestique, il passe progressivement de neuf à usé puis chiffon. Il est un marqueur du temps qui s’écoule, métaphore de la nature passagère et vaine de nos vies: le torchon constitue une Vanité.
La vanité aux torchons est constituée de 3 torchons imprimés, 1 neuf, 1 usagé et 1 chiffon, assemblés par un ruban.

Glissée dans l’armoire à linges, cette vanité-là rappelle que rien ne dure éternellement.

ordre et maîtrise ?

De son vivant, ma mère s’agaçait qu’après tant d’années d’éducation, nous (ses enfants, son époux) nous ne distinguions toujours pas ce qui lui semblait si évident :

  • les torchons courants pour essuyer la vaisselle quotidienne peu fragile,
  • les fins torchons (bien usés, aux fibres adoucies, non pelucheux) pour le cristal,
  • les torchons anciens mais non usés (hérités des grand-mères et grand-tantes) au tissage lourd (métisse) pour les ustensiles métalliques laissant des traces grises ; torchons, qui une fois usés par les lavages successifs, prendraient une autre place dans l’organisation des piles,
  • les torchons usés souvent rapiécés, issus d’une pièce de vieux draps, pour essorer et conserver les légumes verts, salades, fruits cuits pour gelées,
  • les torchons à mains – s’essuyer les mains dans les torchons à vaisselle exposait à un rappel à l’ordre… –
  • les torchons à main usés, troués parfois, rejoignaient les piles de chiffons de ménage, eux aussi bien repassés, classés, triés…,
  • les couches en tissu, encore en usage dans les années 70, rejoignaient, la cohorte des essuie-tout,
  • les torchons imprimés décoratifs, souvenirs de voyages ou cadeaux, rangés avec quelques spécimens de torchons brodés, oubliés dans un tiroir…

Un torchon ne se confondait, dans son usage, ni avec une serviette (fonction supérieure lié au corps, à la bouche) ni avec une serpillière (basses besognes du sol).
Après le décès de ma mère, il semblait évident à tous, que moi, sa fille, je devais me charger du tri et de la réduction des piles régulières, laissées en héritage …